Mardi 28 septembre 1965
Le retour de Leslie
Les 48 heures que Rodney Harrington a passées en prison ont été un véritable cauchemar pour lui et d’autres habitants de Peyton Place. Maintenant, il se dirige vers un avenir effrayant et incertain. Il a été inculpé de meurtre.
Town Hall. La prison. La salle d’audience du tribunal. Rodney est amené de sa cellule à la salle d’audience et s’assoit. A sa droite se trouve Theodore Dowell, à sa gauche Steven Cord.
Rodney est amené de sa cellule à la salle d’audience. Allison se penche contre la barrière pour lui parler.
— Rodney, est-ce que tu vas bien ?
— Oui.
— Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour t’aider ?
— Rien.
— Je veux t’aider, insiste-t-elle.
— Tu es ici, c’est ce qui compte.
— Je veux que tu saches…
L’huissier les interrompt :
— Veuillez vous lever. La Court va siéger. Section 2 du district judiciaire du comté de Peyton. Le Juge Charles E. Webber préside.
Le juge entre et s’assoit. Il retire ses lunettes et prend le dossier qui se trouve devant lui.
— Peyton Place contre Rodney Harrington. Êtes-vous Rodney Harrington ?
— Oui Monsieur.
— Les citoyens de Peyton Place accusent Rodney Harrington de meurtre. Dans l’esprit de nos lois, en ce 16 juin 1965, le comté de Peyton accuse Rodney Harrington d’avoir violé la loi, et d’avoir ôté volontairement la vie d’un être humain, Joseph Chernak, par un acte de malveillance. Il y a donc violation de la section 189 du code pénal protégeant les habitants de ce pays… (à Rodney) : souhaitez-vous être informé de vos droits ?
— Le défendeur a été avisé de ses droits, Votre Honneur, et renonce à leur lecture, dit Dowell.
— Êtes-vous prêt à plaider ?
— Oui, Votre Honneur.
— Vous venez d’entendre les charges. Que plaidez-vous ?
— Non coupable, affirme Rodney.
— Rodney Harrington, je vous renvoie à la garde du shérif de ce comté. Le shérif devra vous présenter à cette cours le 27 de ce mois à 9 heures pour l’audience préliminaire sur les charges que l’on retient contre vous.
L’avocat de Rodney intervient :
— Avec la permission de Votre Honneur, j’aimerais faire une requête concernant une liberté sous caution pour le défendeur. Le défendant, Rodney Harrington, habite cette ville depuis toujours. Il n’a jamais été arrêté auparavant. Il est connu pour être responsable et respecté par tous ceux qui le connaissent dans cette communauté. Je suis certain que Votre Honneur comprendra qu’il n’y a aucun risque à signer une demande de liberté sous caution.
Fowler n’est pas de cet avis :
— Votre Honneur, il n’a a jamais eu de précédent dans ce pays pour un défendeur accusé d’un meurtre d’être mis en liberté sous caution.
— Je soumets ce cas particulier à la considération de Votre Honneur, répète Dowell.
— Je ne crois pas que cela soit un cas particulier qui requiert une considération spéciale, annonce le juge. La demande de liberté sous caution est rejetée.
Leslie arrive dans la salle et s’assoit derrière Dowell et Rodney.
— Papa…
— Je suis content de vous voir ici, Leslie, dit Dowell.
— Salut, fiston.
— Salut.
Leslie s’adresse au juge :
— Votre Honneur, puis-je voir mon fils un instant ?
— Je vous laisse mon office.
— Merci.
Leslie se tourne vers Norman et le salue.
— Norman.
Rodney précède Leslie et Norman dans l’office du juge.
— J’ai pris le premier avion.
— Merci, papa.
— Est-ce qu’ils te traitent bien, au moins ?
— Je suis désolé que tu sois revenu en de telles circonstances.
— Peut-être que si je serai resté ici, en première place, tout ceci n’aurait pas eu lieu.
— C’est de ma faute, papa, intervient Norman.
Rodney secoue la tête :
— Ce n’est pas le moment de jouer les bons samaritains, Norman.
— Ecoute, il a le droit de savoir.
— Elliot m’a dit que vous avez essayé de me joindre.
Norman opine.
— J’ai hésité avant de le faire.
— L’instinct était présent Norman, c’était un début.
— Je lui ai demandé de te laisser en dehors de cela, lui dit Rodney. Je ne voulais pas que tu te fasses de soucis à propos de ça.
— Et voilà ce qui est arrivé. Mon fils qui a peur de m’inquiéter ?
— C’était avant que la police ne m’arrête.
— Elliot a été plutôt vague au téléphone. Je ne sais pas s’il a essayé de me ménager ou…
— Je ne suis pas un assassin, papa.
— Tu n’as pas à me le dire, Rod.
— À propos de quoi toi et le jeune Chernak vous êtes battus ?
— A propos de moi, souffle Norman. Rodney essayait de me protéger.
— De quoi ?
— Rita était la petite amie de Chernak. Je t’ai parlé d’elle la nuit du bal de promo lorsque tu as appelé. Et bien, il répandait de nombreux mensonges à propos d’elle, et Rodney a essayé de l’arrêter avant que je ne le fasse. Il a essayé de me protéger, parce que je lui avais dit que je voulais le tuer.
Rodney tente d’interrompre son frère, mais Norman poursuit :
— Ecoute, il est dans la panade à cause de moi. Nous devons faire quelque chose pour le faire sortir d’ici.
— C’est ce que nous allons faire, Norman, déclare Leslie. Depuis combien de temps tout cela mijotait ?
— Quelque temps.
— Et il n’y avait personne avec qui tu pouvais parler de ça ?
Rodney secoue la tête.
— Il n’y avait personne.
— Ted Dowell était là.
— Il n’est pas notre père. Je… Je suis désolé, Papa.
— Moi aussi, fiston… Moi aussi.
A la librairie, une cliente achète un livre et s’en va. Allison entre pour parler à sa mère de l’inculpation de Rodney. Elle trouve sa position actuelle semblable à celle de sa mère dix-huit ans plus tôt, quand Elliot a été arrêté pour le meurtre de sa femme.
Constance lui rappelle qu’elle lui avait dit un jour qu’elle n’était pas assez mûre pour devenir écrivain, parce qu’elle n’avait pas assez d’expérience de la vie. Maintenant, elle a acquis assez d’expérience et de sagesse pour le devenir.
Allison lui demande comment elle a fait pour tenir le coup à l’époque. Elle était seule à New York. Constance se remémore cette douloureuse période où sa mère avait décidé de l’envoyer dans la grande ville afin, disait-elle, de la protéger. Mais Constance se sentait terrifiée, dans cette énorme cité, portant seule un enfant.
Allison exprime sa culpabilité d’avoir forcé Kim à dire ce qu’elle a vu sur le quai le soir de la bagarre. Cela ne va pas aider Rodney, mais plutôt le desservir. En s’étant mêlée de cette affaire, elle a l’impression d’avoir creusé la tombe de Rodney.
Allison demande à sa mère si, à un moment donné, elle a douté de l’innocence d’Elliot. Car elle a dit à Rodney qu’elle le savait innocent, mais avoue qu’à un bref moment, elle a pensé qu’il avait pu tuer Joe Chernak.
— Est-ce que tu le crois toujours ? demande Constance.
— Oh, non. Je suis sûre qu’il est innocent.
— J’ai cru ton père coupable moi aussi, et pendant très longtemps, avoue Constance.
Elliot entre dans la libraire Allison se jette à son cou, à la grande surprise de son père. Allison lui dit qu’elle est heureuse de le voir, et qu’elle le lui montre.
Michael Rossi conduit sa Ford coupée 1956 jusqu’à la maison des Chernak et Anna est soutenue par Gus, Stella et le Dr Rossi. Gus dit à Anna de monter à l’intérieur. Stella sanglote. Gus leur dit qu’elles ne devraient pas gaspiller du temps à pleurer.
Chacun se remémore Joe à sa façon. Anna dit qu’il était un bon nageur, Gus qu’il jouait bien au football. Stella réagit différemment, elle ne veut pas voir quelque chose qui puisse lui rappeler Joe. Elle enlève la photo sur la cheminée et son trophée de football et, dans la chambre du défunt, commence a réunir toutes ses affaires, avant de s’effondrer et de pleurer, demandant pardon à son frère de ne pas avoir été présente quand il avait besoin d’elle. Gus vient la rejoindre pour la consoler.
Michael appelle son service de messageries et demande s’il a eu des appels. Il dit à Stella et Anna qu’il doit partir pour l’hôpital car il y a un briefing. Le médecin dit à Stella qu’il a un nouveau projet de recherches et il voudrait l’engager comme assistante. Stella est surprise et lui dit qu’elle va réfléchir à la proposition.
Au Colonial, la salle du restaurant est bondée. Steven rejoint Betty à une table, près de la fenêtre. Elle est songeuse. Lorsqu’il s’assoit en face d’elle, elle lui demande immédiatement comment s’est déroulée l’audience.
— Pourquoi ?
— Je suis curieuse.
— Vous auriez pu venir, après tout, vous êtes en congé aujourd’hui.
— Je ne pense pas que cela aurait été approprié.
Il lui demande si elle est toujours amoureuse de Rodney. Elle répond immédiatement « non », mais Steven la sent sur la défensive.
Il l’informe aussi que Leslie Harrington est revenu d’Europe. Il lui demande pourquoi elle était à l’appartement de Rodney le soir de la mort de Joe.
Betty lui raconte qu’elle était de garde cette nuit-là à l’hôpital. Elle a reconnu sa voix lorsqu’il a appelé pour avoir une ambulance. Elle est donc allée à son appartement pour voir ce qui se passait. Elle n’en avait pas parlé à Steven avant car elle ne lui faisait pas confiance. Aujourd’hui, elle se sent obligée de lui confiance.
Leslie Harrington attend à l’extérieur du bâtiment la sortie du juge Webber et du procureur John Fowler.
— Juge Webber. J’avais espéré que vous puissiez m’accorder une minute.
Les trois hommes font un bout de route ensemble, vers le Colonial Post.
— Je suis plutôt pressé, lui dit le juge.
— Je vois, mais ça ne sera pas long. Je suis très perplexe à propos de votre décision de ne pas accorder la liberté sous caution à Rodney. Cette affaire n’est-elle pas un peu inhabituelle ?
— Je ne sais pas, Harrington. C’est simplement une histoire de précédent.
— Oui, je sais, c’est que ce vous avez dit à l’audience. Et je suis sûr que c’est très important dans une grande ville où personne ne se connaît.
— La question n’est pas là.
— Juge Webber, vous avez vu mon fils grandir.
— Je n’ai rien de personnel contre Rodney, mais je me serais discrédité moi même si j’aurais accepté la demande de caution.
— Pourquoi ? Vous savez très bien que ce garçon n’allait pas s’enfuir. Il n’a pas de passé criminel. Dans ce cas précis, n’est-il pas possible de créer un précédant ?
— Le précédant n’a rien à voir avec la conduite passée de l’accusé. Il a à voir avec l’affaire en cours comme celle dont il est question.
Fowler se mêle à la conversation :
— Monsieur Harrington, notre structure légale est basée là-dessus. Je suis sûr que quelques mois passés en Europe ne vous ont pas fait oublié cela.
— J’étais simplement en train de demander au juge Webber de m’éclairer sur sa décision de ne pas accorder de demande de caution à Rodney.
— Il n’y a rien de personnel, monsieur Harrington, poursuit Fowler. C’est simplement une question d’éthique.
— Bien sûr que ça l’est. Mais c’est un peu dur.
— Ça ne semble jamais dur lorsque ça arrive aux autres. Seulement lorsque ça arrive à quelqu’un de proche.
Le juge souhaite prendre congé d’eux :
— Si vous voulez bien m’excuser.
Leslie insiste :
— Juge Webber. Est-il possible pour moi de faire appel à votre décision ?
— C’est votre droit. Ted Dowell vous renseignera sur la procédure à suivre.
— Eh bien, merci de m’avoir accordé de votre temps. J’espère que je ne vous ai pas retenu trop longtemps. Au revoir, monsieur Fowler.
Leslie Harrington les quitte. Il se dirige vers le square et s’assied au pied du pilori. Une large partie de cette scène sera répétée au début de l’épisode suivant.
Le Peyton County Town Hall inclut la bibliothèque, les salles d’audience, et la prison. La prison comporte au moins une salle d’interrogatoire. Lorsque John Fowler Sr était procureur général, il opérait dans le vieux tribunal.




