Episode 278

Lundi 17 octobre 1966

Je veille sur ceux que j’aime

Pour Elliot Carson, la disparition de sa fille Allison est empreinte d’une frustration amère. Il n’y a aucun indice. Allison est partie sans laisser de traces. Mais la nuit dernière, Norman et Rita Harrington ont amené une étrange jeune fille à l’hôpital. Elle est en possession du bracelet d’Allison. 

Deux infirmières descendent les escaliers de l’hôpital tandis qu’Elliot sort de sa voiture.


Mlle Choate entre dans le bureau de Rossi avec un bandage sur sa main droite. Elle se plaint de la jeune fille sauvage qui l’a mordue. 

Elle dit que l’inconnue donne du fil à retordre aux infirmières, elle est ingérable. 

Avant de partir, elle salue Elliot Carson qui vient d’entrer. Elliot est venu après avoir appris qu’une jeune fille a été retrouvée avec un bracelet ressemblant à celui d’Allison. 

Il montre le bracelet à Elliot et il ne fait plus aucun doute qu’il s’agit du bracelet de sa fille. Il y est gravé une phrase en français : « Je veille sur ceux que j’aime ».

L’inconnue est escortée en fauteuil roulant dans le bureau de Mike par deux infirmières. Elle ne veut pas lui parler et souhaite sortir d’ici. Quand elle voit Elliot, elle demande s’il est médecin. 

— Non, c’est un ami. 

Elle prend peur et se lève précipitamment de son fauteuil pour tenter de fuir. Elle est cependant maîtrisée par les deux solides infirmières. 

Elliot essaie de lui parler gentiment. Il lui explique qu’il est le père d’une fille de son âge qui a récemment disparu. Elle portait le bracelet que la jeune fille avait sur elle. 

— Ce bracelet. C’est celui de ma fille. Je le sais, parce que je le lui ai donné. Voulez-vous me dire où vous l’avez trouvé ? Comment l’avez-vous eu ?

— C’est le mien, plaide-t-elle. 

— Non, mademoiselle. Il est à ma fille Allison. 

— Il est à moi, insiste l’inconnue. 

— Si Allison vous l’a donné, c’est qu’il est en effet à vous. Est-ce qu’elle vous l’a donné ?

Elle tente de subtiliser le bracelet des mains d’Elliot. 

Nous connaissons tous Elliot. Il peut être gentil, mais il manque rapidement de patience. Il commence à s’énerver. La fille, de son côté, devient également agressive. 

Mike préfère mettre un terme à la confrontation, et les deux infirmières ramènent la jeune fille dans sa chambre. 

Elliot est partagé entre espoir et désespoir. L’apparition de cette jeune fille pourrait faire avancer l’enquête si elle se décide à parler. D’un autre côté, il a peur que cette jeune sauvage ait agressé Allison. Mike ne pense pas que ce soit le cas. 

Avant de partir, Elliot demande à Mike de ne rien dire pour l’instant à Constance. Il ne voudrait pas la perturber alors qu’elle revient bientôt à la maison avec Matthew. 


Steven se rend au drugstore où il trouve Rodney attablé au comptoir. Ce dernier veut acheter l’édition d’aujourd’hui du Clarion, mais la machine à distribuer le journal a un problème. 

Rita travaille au comptoir et demande à Steven s’il veut quelque chose. Il lui commande un café, puis entraîne Rodney à l’écart pour lui parler.

Il lui reproche de voir Sandy. Des gens l’ont vu entrer chez elle récemment. Rodney lui dit qu’il ne craint pas les rumeurs, ce n’est plus son procès qui se joue. 

Steven lui dit que voir Sandy pourrait porter préjudice à son client. Rodney ne comprend toujours pas pourquoi Steven défend le type accusé d’avoir tué sa sœur. 

Steven lui rappelle qu’ils n’en sont qu’à l’audience préliminaire afin que le juge détermine si les charges sont suffisantes pour envoyer Lee en procès pour meurtre. 

— Qu’est-ce que tu cherches à prouver en défendant Lee ? s’enquiert Rodney. 

— Je cherche à découvrir la vérité. 

— Admettons que tu découvres que Lee est coupable. Que comptes-tu faire ?

Steven ne répond pas. 


Chris Webber est à la barre des témoins et témoigne sous serment pour l’accusation. Il est interrogé par le procureur John Fowler. 

— Monsieur Webber, quelle a été votre réaction lorsque vous avez réalisé que votre frère était responsable de votre accident sur la falaise ?

— J’étais amer. J’ai pensé à toutes ces années où il a vécu avec ça sur sa conscience. Et j’étais d’abord très amer.

— Vous avez dit « d’abord » ?

— Eh bien, j’ai finalement réalisé que je n’étais pas le seul à avoir souffert. J’ai eu des professionnels qui m’ont appris à vivre avec ma cécité. Mon frère a dû apprendre à vivre avec sa culpabilité tout seul. 

— Vous parlez du sentiment de culpabilité de votre frère. C’est une hypothèse naturelle. 

— Ce n’est pas une hypothèse, monsieur Fowler. Voyez-vous, avant l’accident, Lee m’ignorait. Mais après l’accident, c’était différent. Il a tout fait pour moi, même sa femme passait après moi. Il était toujours à veiller sur moi, il me protégeait, se battait pour moi. Même quand il n’y avait pas de conflit. Notre première véritable dispute était lorsque j’ai voulu quitter l’école de Droit. Lee voulait que je reste ici. Il voulait me porter sur son dos comme un albatros, il voulait que je dépende de lui entièrement. Je devenais ainsi son propre monde, sa vie. Tout ce qu’il voulait en retour, c’était faire partie de ma vie. C’est pourquoi je dis que ni l’un ni l’autre n’avons échappé au drame de la falaise.

— Il y a eu deux accidents tragiques sur la falaise, monsieur Webber. Auquel faites-vous référence ?

— Le premier. La mort d’Ann Howard, c’est autre chose. 

— Avez-vous séparé ces deux incidents de votre esprit ?

— Oui.

— Complètement ?

— Complètement. 

— Monsieur Webber, le matin de la mort d’Ann Howard, lorsque votre frère vous a frappé, avait-il l’habitude de le faire ?

— Non, c’était la première fois. 

— Quelqu’un d’autre était présent ?

— Ma belle-sœur.

— La femme du défendeur ?

— Oui. Sandra Webber.

— Après que votre frère a quitté la maison, quand l’avez-vous rencontré à nouveau ?

— En face du drugstore, dans le square.

— Vous avez précisé dans votre déposition qu’il a dit qu’il ne pouvait pas vous faire confiance. Qu’il a le sentiment qu’il doit vous protéger de vous-même. Lui avez-vous répondu ?

— Oui, je lui ai dit qu’il doit arrêter. Qu’il le veuille ou non, je devais aller chez Steven Cord.

— A-t-il essayé de vous retenir ?

— Non. 

— Comment expliquez-vous cela ?

— Eh bien, il y avait des témoins dans le square qui ont vu ce qui s’est passé. Norman Harrington, Mme Elliot Carson. D’autres, je suppose.

— Est-ce qu’un d’eux vous a parlé, à vous ou au défendeur ?

— Pas cette fois. 

Steven se lève :

— Objection. Le témoin n’était conscient de leur présence que par ouï-dire. 

Fowler contre-attaque :

— Votre Honneur, j’ai déjà indiqué mon intention d’appeler à la barre Mme Carson. J’attends à ce qu’elle confirme sa présence sur les lieux au cours de son témoignage. 

— Objection rejetée, décide le juge. Poursuivez, monsieur Fowler. 

Lee s’approche de Steven et lui murmure à l’oreille :

— Vous laissez ce gars vous marcher sur les pieds.

— Qu’avez-vous fait ensuite, monsieur Webber ? poursuit Fowler

— Je suis retourné sur le bord du trottoir et j’ai failli me faire renverser par une voiture.

— Personne ne vous a prévenu ?

— Peut-être que mon frère était trop excité pour s’en apercevoir. En tout cas, j’ai marché jusqu’au bâtiment de la banque où se trouve le bureau de Mr Cord. Mais il n’était pas là. J’ai donc dicté ma déposition à sa secrétaire et je l’ai signée. Lorsque je suis ressorti du bâtiment, Lee m’attendait et je lui ai dit que c’était fait. 

— Quelle a été sa réaction ?

— Il était en colère. J’entends encore sa voix. Il a dit : « Tu viens avec moi ». Et là, j’ai su qu’il n’avait pas peur d’être traîné en justice ni puni. Il avait peur de perdre l’emprise qu’il avait sur moi depuis toutes ces années. 

— Êtes-vous allé avec lui ?

— Non. Norman Harrington a surgi brusquement. Et il a dit à Lee que j’étais supposé faire de la voile cet après-midi. Plus tard, Norman m’a appris que Mme Carson lui avait demandé de venir à ma rescousse. J’ai demandé à Norman de me conduire à la maison de la plage du Dr Rossi. 

— Pourquoi là-bas ?

— Je voulais le prévenir. Je voulais le convaincre que le vrai danger pour Ann Howard n’était pas terminé. Ça ne faisait que commencer. J’ai même pensé qu’Ann devrait quitter Peyton Place parce que je savais que tant qu’elle serait ici, elle ne serait pas en sécurité. 

— Pourquoi le Dr Rossi ? Pourquoi pas le propre avocat de Mlle Howard ?

— Parce ce que je n’étais pas convaincu que M. Cord soit assez impliqué pour prendre au sérieux le danger. 

— Avez-vous trouvé le Dr Rossi chez lui ?

— Non, il n’était pas là. 

— Monsieur Webber, dans la déposition que vous avez faite le jour de la mort de Mlle Howard, vous avez dit que vous êtes parti de la maison du Dr Rossi, et que vous avez marché un kilomètre et demi de la plage jusqu’à la caverne Stuyvesant, là où vous avez été pris au piège par la marée. Si vous étiez tellement impatient de voir le Dr Rossi, je ne vois pas pourquoi vous ne l’avez pas tout simplement attendu. 

— Je l’ai attendu. 

— Dans la caverne ?

— Non, pas dans la caverne. 

— Mais…

— Je n’ai jamais été à la caverne. J’ai menti. J’essayais de protéger mon frère. 

Les personnes assises au tribunal murmurent entre eux.

— Êtes-vous en train de dire que vous avez attendu à la maison de la plage ? 

— Non, je n’ai pas attendu au cottage. J’avais peur, peur qu’il ne me découvre ici. Alors j’ai descendu le sentier qui mène au bas de la falaise et je me suis caché sur une corniche. 

— Combien de temps y êtes-vous resté ?

— Assez longtemps. J’ai finalement entendu des voix. 

— Quelles voix ?

— Celle d’Ann Howard et de mon frère. 

— Que disaient-ils ?

— Je ne pouvais pas entendre ce qu’ils disaient à cause du vent et de la marée. 

— Si vous ne pouviez pas les entendre, comment pouvez-vous être sûr qu’il s’agit d’eux ?

— Parce que mon ouïe est bien plus développée que celle des autres. J’utilise mes oreilles comme les gens utilisent leur vue. J’ai entendu un bruit, comme un coup. 

Steven objecte :

— Objection. Ce sont les propres conclusions du témoin. 

— Retenue, fait le juge.

— J’ai entendu Ann crier, reprend Chris. J’ai voulu courir vers elle. Je suis resté sur la falaise. Je savais qu’Ann gisait en bas de la falaise.


Elliot ramène Constance et le petit Matthew à la maison. Constance porte Matthew. Betty a laissé une note leur souhaitant la bienvenue et leur précisant qu’elle a préparé un déjeuner qui se trouve au réfrigérateur. La note est signée Betty et Steven. 

Constance fait des commentaires élogieux sur la nouvelle couleur de la chambre de Matthew, et sur son berceau.

Elle regrette simplement l’absence d’Allison pour faire de ce jour un jour de bonheur. 


Au tribunal, l’audience est ajournée. Chris se dirige vers la salle vide et s’assoit sur le siège réservé aux témoins. 

Ralph, l’huissier, dit à Chris qu’il a encore quarante-cinq minutes et lui propose de prendre un café. C’est bientôt l’heure du contre-interrogatoire de Steven. 


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