Episode 174

Jeudi 27 janvier 1966

Norman à la barre

Pour Allison Mackenzie, chaque jour est un jour d’espoir. Un espoir pour l’avenir. Le jour où elle emboîtera les pièces du puzzle de son passé. 

Deux hommes entrent à l’hôpital. Allison, dans son fauteuil roulant, se rend dans le bureau du Dr Rossi. 


Allison frappe à la porte, puis roule avec sa chaise à l’intérieur du bureau de Michael. Elle y trouve Stella qui écoute les nouvelles à la radio.

— Bonjour, mademoiselle Chernak. 

— Bonjour Allison. 

Stella éteint la radio pour ne pas que la jeune fille puisse entendre des nouvelles qui pourraient la perturber.

— Oh, vous avez très bien appris à vous servir de cette chaise, s’exclame-t-elle.  

— Oui. Ma main droite commence à faire ce que je lui dis de faire. 

 — Vous devez être fière de vous. 

— Eh bien, ce n’est pas moi en réalité. C’est M. Gehring. Il a fait en sorte que je le déteste suffisamment pour que j’aille mieux, uniquement pour le contrarier. Parfois je pense que le Dr Rossi utilise la même technique dans ses soi-disant entrevues. 

— Oh, est-il sévère avec vous ?

— Hier, il m’a rendue tellement malade, je ne pouvais pas bouger mon bras. 

— Tout semble aller mieux, aujourd’hui. 

— Je souhaite qu’il me laisse un peu tranquille, soupire la jeune patiente.

— Pourquoi me dites-vous cela ? Vous voulez peut-être que je prenne pitié de vous ? 

— Non. C’est juste que vous êtes une des rares personnes ici qui ne tourne pas autour de moi tout le temps. 

— Eh bien, voilà une bonne base pour démarrer une amitié. 

— Vous écoutiez quoi avant que je vienne ? s’enquiert Allison.

— Oh, les informations. 

— Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas écouté la radio ni lu les journaux. 

Allison rallume la radio. Pensant qu’ils vont bientôt parler du procès de Rodney, Stella se précipite sur la radio et l’éteint. 

— Voyez-vous, elle n’est pas à moi, bredouille-t-elle. Je ne voudrais surtout pas la casser. Je suis désolée. 

Allison fronce les sourcils. 

— Que se passe-t-il ?

— Où ?

— Aux informations.

— Rien… Vraiment rien… Allison, je dois y aller maintenant. Le Dr Rossi va arriver dans deux minutes, OK ?

— OK. 

Stella quitte la pièce et Allison en profite pour rallumer la radio au moment où le journaliste commente l’actualité de Peyton Place :  

… ceci a provoqué un tollé et a bouleversé la ville. Le jeune Rodney Harrington est accusé d’avoir tué Joe Chernak la nuit du 16 juillet. Le mobile serait la vengeance, pour avoir insulté son frère, Norman Harrington. Harrington est le petit-fils de Martin Peyton et le fils de Leslie Harrington, l’ancien directeur de la fabrique Peyton. Peyton Place a été sous le choc du témoignage des tiers produits par le procureur général, John Fowler. Tous les yeux sont rivés sur cette ville et…

Allison ferme les yeux d’une façon dramatique. Le journaliste poursuit : 

… Vous suivez grâce à nous le procès de Rodney Harrington minute par minute… 

Le Dr Rossi entre et éteint brutalement la radio. Allison ne comprend pas.

— Pourquoi ne m’avoir rien dit ? Pourquoi ne m’avoir rien dit à propos de Rodney ?

— Pourquoi as-tu oublié ? Allison, je veux que tu te souviennes par toi-même, à ton allure. 

— Cela ne vous dérange pas si l’on annule la séance d’aujourd’hui ?

— Je pense qu’on devrait plutôt faire face à cela. 

Mike s’assoit sur le coin du bureau. 

— Qu’as-tu entendu ?

— Un vrai méli-mélo. Rodney en procès pour meurtre… Ça ne peut pas être vrai. Pourquoi ne m’a-t-il rien dit lorsqu’il est venu me voir ?

— Parce que tu ne te souvenais plus et qu’il ne voulait pas te bouleverser. Te souviens-tu de quelque chose, maintenant ?

— Non. Rien.

— Te souviens-tu de la dernière fois où tu as vu Rodney ?

— Non. 

Michael se lève et se dirige vers Allison. 

— Allison, la dernière fois où tu as vu Rodney, tu étais allée lui rendre visite en prison. Lorsque tu es sortie, tu étais totalement bouleversée et juste après, tu as été renversée par la voiture. 

— Non, ce n’est pas vrai ! crie la jeune fille.

— Allison, tu ne vas pas constamment fuir dans ta chambre à chaque fois que quelque chose te bouleverse. Pourquoi es-tu bouleversée ?

— Je pense que c’est une question parfaitement stupide, étant donné que je viens d’apprendre à la radio que quelqu’un que je connais est en procès pour meurtre. 

— Qu’est-ce que Rodney représente réellement pour toi ? Qu’est-ce que tout ce procès signifie pour toi ?

— Qu’essayez-vous de dire ?

— Penses-y. 

— Ça n’a rien à voir avec moi. Si je suis allée voir Rodney en prison, c’était probablement parce que je me sentais désolée pour lui. Ça n’a rien à voir avec moi, répète-t-elle. 

— Je suppose que Rodney n’est rien d’autre pour toi qu’un ami.

— C’est exact. Personne ne représente rien pour moi, à l’exception de ma mère. 

— Allison, tu es une fille chaleureuse, une belle jeune fille. Cela ne te semble pas étrange qu’à presque 19 ans, personne ne représente rien pour toi à l’exception de ta mère ?

— Docteur Rossi, si vous avez quelque chose à me dire, j’aimerais que vous me le disiez maintenant, que je puisse m’en aller. 

— Peux-tu voir Rodney Harrington sans être bouleversée maintenant ?

— Bien sûr que je le peux. J’aimerais beaucoup le voir prochainement. Pouvez-vous lui en toucher un mot ?

Le médecin acquiesce, tandis qu’Allison retourne dans sa chambre.


Le Dr Rossi entre au labo avec la radio et l’allume. Stella entend la radio et se dirige vers Mike, l’air penaud. 

— Je sais. Je me suis souvenue de la radio après être partie. 

— Vraiment ?

— Que s’est-il passé ?

— Elle a entendu les nouvelles. 

— Et puis ?

— Elle a essayé de se persuader que ce n’était pas vrai, et finalement a convenu que Rodney n’est qu’un simple ami.

— Eh bien… Cela n’a fait de mal à personne ?

— Je ne sais pas. Stella, vous connaissez les dangers d’un choc soudain dans son état. Cela aurait pu la faire régresser, la faire encore plus se détacher de la réalité. Cela aurait pu l’amener directement à une dépression. 

— Je suis désolée. 

— Vous êtes désolée ? Et c’est tout ? Vous avez permis qu’une telle chose se produise parce que vous saviez au fond les conséquences que cela pouvait avoir. Et…

Stella se tourne pour partir. Elle ne veut pas en entendre davantage.

— Où allez-vous ? lui demande Mike.

— Dehors. 

— Voilà un trait de votre caractère intéressant, mademoiselle Chernak. À chaque fois qu’une chose ne vous plaît pas, vous claquez des talons et vous partez. 

— Disons que c’est mieux que rester ici, et se faire injurier. 

— Laissez-moi vous poser une question. Juste par curiosité. Avez-vous laissé ceci (il prend la radio) dans la pièce intentionnellement ?

Stella hausse les sourcils, incrédule.

— Intentionnellement ?

— Oui. 

— Pour quelle raison aurais-je fait cela ?

— Donc, ce n’était que par négligence ? 

— Oui. C’était par négligence… 

Elle fait une pause pour réfléchir, et avoue : 

— Non, vous avez raison. J’ai laissé la radio intentionnellement. 

— Vous n’aviez aucun droit de faire ça. 

— Je ne suis pas médecin. Je ne suis qu’un être humain avec des sentiments. Pourquoi ne devrait-elle pas savoir que mon frère est mort ? Pourquoi ne devrait-elle pas savoir que Rodney en est responsable ?

— Peut-être avez-vous raison. Peut-être devriez-vous partir avant que je ne dise quelque chose que je regretterais par la suite.  

Stella quitte le labo. 


Ada est venue à la librairie voir Constance et Elliot pour leur parler du mariage, et notamment du faire-part à publier dans le journal pour l’annonce. Constance a une idée à ce sujet :  

— Que diriez-vous de : « Mme Ada Jacks vous fait part du mariage de sa fille Rita…

 Elliot entre dans la librairie. 

— Charmaine, rectifie Ada. Rita Charmaine. 

— … Rita Charmaine avec M. Norman Harrington ». Qu’est-ce que vous en dites ?

— Ça me paraît bien. 

— Très, très élégante, la complimente Elliot. Félicitations. 

Il embrasse Ada sur la joue. 

— Eh bien, comment as-tu appris la nouvelle ? s’enquiert Connie.

— Toute la ville est au courant. Norman va l’annoncer au monde entier si ça continue. 

Ada rit.

— Ne me laissez pas vous interrompre, dit le journaliste aux deux femmes.

Constance montre quelques cartes à Ada.

— Que diriez-vous de celle-ci ?

— Un peu trop voyante.

— Celle-ci semble être plus simple et moins conventionnelle. Je pense que Rita aimera celle-là. 

— Si vous le dites, madame Carson. 

— Et avant que tu ne te décides, puis-je suggérer comme cadeau l’annonce du mariage dans le Clarion ? intervient Elliot.

— Merci Elliot. Je paierais l’annonce cette fois, et je te laisse le soin de l’annoncer… mais pas dans la page « actualités mondiales ».   

— Chiche ?

— Merci pour tout, Constance. 

— Nous vous appellerons lorsque les cartes seront prêtes. Et félicitez le couple de notre part.

— Je le ferais. Au revoir. 

Ada s’en va. 

— On dirait qu’elle est au septième ciel, commente Elliot.

— Elle a des raisons de l’être. 

Le ton employé par Constance est mélancolique, et Elliot croit savoir pourquoi.

— Tu penses à Allison. Bien, sois juste contente pour Norman et Rita. 

— Elle a le même âge que Rita. Elle et Rod. 

— Allison ira mieux bientôt.  

Ils se regardent amoureusement dans les yeux. Puis Elliot embrasse Constance. 


 Rodney entre dans le bureau de Steven. 

— Bonjour Rod. 

— J’ai un bulletin d’informations à t’apporter avec le petit déjeuner. Norman Harrington et Rita Jacks se sont mariés hier soir.

Steven est d’abord surpris par la nouvelle. Puis en colère.

— Quoi ? Tu plaisantes !

— Je ne mens jamais. Mon avocat m’a dit que ce n’était pas bien. 

— Bon sang ! Ça change tout. Cette nouvelle va changer la donne du témoignage de Rita. Et nous faire revenir au point de départ. 

— En quoi ce mariage affecte-t-il le témoignage de Rita ?

— Ils vont croire qu’il l’a payée pour se marier avec elle, explique l’avocat. Et ainsi plaider ta cause. 

— Tu es étonnant. Steven, tu es vraiment étonnant. 

— Je dis cela parce que c’est ce qu’ils vont penser. 

— Ce n’est pas pour ça qu’ils se sont mariés. 

— En es-tu sûr ? Ton volatile jeune frère a le profil typique d’un adolescent loyal vis-à-vis de sa famille.

— Je ne te suis pas. 

— Eh bien, quand un gamin doit entrer dans le monde cruel des adultes, il se sent parfois un peu paumé. Et c’est ce qu’il a ressenti après le témoignage de Rita. Ces deux-là sont collés l’un à l’autre. C’est un peu un Don Quichotte qui vole au secours d’une demoiselle en détresse. 

— Dis-moi une chose. N’est-il vraiment pas possible que des gens agissent autrement que par intérêt ? Par amour, par exemple ?

— Bien sûr, cela arrive. Mais il doit contrôler tout cet amour. Pourquoi n’ont-ils pas attendu une semaine ? Un mois ? Ou mieux encore, jusqu’à ce que le procès soit terminé ? Tu sais, épouser Rita le jour même de son témoignage ne pourra que nous être néfaste. 

— Fowler a cité Norman à comparaître ce matin, annonce Rodney. 

Steven accuse le coup de cette seconde nouvelle. Il est en colère et hausse la voix.

— Autre chose ? Tu sais, si la terre s’ouvre et engloutit la statue de Samuel Peyton, j’apprécierais que tu me dises. 

— Fowler l’a cité à comparaître ce matin, je n’y suis pour rien. 

— En réalité, je ne suis pas très surpris. 

— Eh bien, moi si. Et j’ai peur. 


Norman s’entretient avec Leslie et Rodney dans l’appartement. Il fixe une cible de fléchette sur la porte. 

— Alors, ça ressemble à quoi ? Propre, hein ?

Il ajuste la cible qu’il trouvait mal fixée. 

— C’est mieux ? Donnons à cet endroit un sentiment de… de classe. 

— Ton attitude laisse vraiment à désirer, soupire Leslie.

Norman s’en étonne. 

— Pourquoi ? C’est le premier cadeau que quelqu’un m’a fait depuis que je me suis marié. 

— Une citation à comparaître n’est pas à prendre à la légère. 

— Je sais. Je suis désolé, se reprend le jeune homme.

Rodney intervient.

— Norman, tu es stup…

— La ferme. Je ne vais pas laisser ceci me saper le moral. 

— Je souhaite toujours que tu prennes ma demande en considération, Norman, dit Leslie.

— Non. Je ne vais pas prétendre que Rita et moi ne sommes pas mariés alors que nous le sommes.

— Ne pourrais-tu pas attendre un peu, le temps que le témoignage de Rita soit oublié ?

— Je vais dire la vérité. Notre bon et noble avocat a toujours dit que la vérité nous servirait toujours. Mon mariage avec Rita est un fait. Et nous allons y faire face.


Phyllis Sloan débarque au palais de justice de Peyton Place. Dans le couloir, elle croise John qui sort de son bureau. Elle lui reproche la disparition de sa sœur Marian. Fowler lui assure qu’il ne sait pas où se trouve sa femme et lui dit qu’elle n’était pas obligée de faire tout le chemin depuis Boston. Il est sûr que Marian va bien. 

Steven, qui passe par là, surprend la conversation. 

John demande à sa belle-sœur de repartir pour Boston. Elle insiste pour rester et savoir ce qui s’est passé. John lui rétorque qu’il a la situation bien en main et qu’il va la retrouver. Il se trouve que le problème qu’ils ont est un problème entre un mari et sa femme. Phyllis n’y peut rien, et n’a rien à faire dans cette histoire. 


Au tribunal, Norman, en tant que témoin hostile, est interrogé par John Fowler au sujet de la bagarre. Il lui demande si Joe Chernak a défié la virilité de Norman.

Fowler veut lui faire dire que Rodney était en colère contre Joe Chernak parce que celui-ci a battu Norman alors qu’il était conscient d’être plus fort que lui. 

Lorsqu’il l’interroge sur la relation qu’il a avec Rita, Norman avoue qu’elle est sa femme et qu’ils se sont mariés la nuit dernière. 

Fowler est intéressé par cette nouvelle et insinue que le mariage est un arrangement en faveur de la défense. 

Steven contre-interroge Norman. Il fait dire à Norman que le mariage n’était nulle autre chose qu’un acte d’amour. 


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